200 ambulanciers en colère bloquent la ville de Marseille

Article publié par La Provence Mercredi 17 octobre 2018

Ils ont paralysé hier la circulation dans la ville. Ils redoutent de perdre le marché du transport des malades avec l'AP-HM

Deux heures pour faire 10 kilomètres ! au classique embouteillage de l'heure de pointe, s'est rajoutée hier matin l'opération escargot lancée par le Collectif Ambulanciers Paca. Environ 200 véhicules de transport sanitaire partis des hauteurs de la ville par l'autoroute du Littoral dès 7 heures du matin ont paralysé le centre-ville. Grands axes autoroutiers saturés, tunnel du Prado-Carénage fermé en raison des fumées provoquées par les fumigènes, corniche bloquée : les automobilistes marseillais ont été pris au piège.

Les raisons de cette gigantesque pagaille ? L'article 80 s'inscrivant dans la loi de finances de la Sécurité sociale. Datant de 2008 et entrée en vigueur le 1er octobre dernier, elle prévoit le transfert d'une partie de l'enveloppe financière dédiée au transport sanitaire pour les patients hospitalisés depuis la Caisse primaire d'assurance-maladie vers les établissements de santé publics et privés.

"Soyons réalistes, les malades ne peuvent être transportés en tapis volant!"

 

Concrètement, les établissements, hôpitaux ou cliniques pourront directement choisir le transport, par appel d'offres. "On craint le clientélisme," s'énerve JAMEL BOUBEIRA, responsable du Collectif Ambulanciers Paca. Dans leur collimateur, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à laquelle il reproche de n'avoir pas lancé un nouvel appel d'offres et de privilégier certains transporteurs. "Avec l'application de cette loi, c'est la disparition des petits transports au profit des grands groupes. 80% des transports sanitaires sont des petites structures, poursuit ce dernier.

Parmi les contestataires, SALAH BELGASMI, gérant de Alpha Ambulance à Lyon. "On a lancé le mouvement national à Lyon on est venus soutenir, avec une quinzaine de Lyonnais, nos amis marseillais. On sera à Nice en fin de semaine puis à Paris, explique ce dernier. D'un côté, on s'étonne d'une hausse du coût du transport, de l'autre, on veut de l'ambulatoire. Soyons réalistes, les malades ne peuvent être transportés en tapis volant quand même !"Reçue dans un premier temps par Ahmed El Bahri, directeur de l'organisation des soins de l'Agence Régionale de Santé (Ars) Paca, la délégation lui a fait part de son inquiétude.

Une heure et demie de discussion qui n'a pas rassuré les ambulanciers. Je suis un peu dépité, lâchait JAMEL BOUBEIRA. Des promesses, toujours des promesses. On n'est même pas capable de nous promettre de mettre en place un comité de pilotage mensuel au niveau de la région avec tous les acteurs concernés. "

De son côté, l'ARS assure être attentive. "Nos leviers sont limités, mais nous avons pris l'engagement de faire remonter un certain nombre de choses au niveau ministériel pour identifier les éventuels ajustements nécessaires dans le cadre de ce dispositif, précisait M. El Bahri. Nous avons aussi évoqué le problème de la trésorerie de l'AP-HM qui est leur sujet d'inquiétude. Là où l'Assurance Maladie remboursait dans des délais plus rapides, ce ne sera pas le cas avec certains établissements dans des situations financières difficiles. On est en train de voir quel dispositif national mettre en place pour faire en sorte que cela ne pénalise pas ces entreprises. Les établissements de santé sont autonomes dans leur gestion mais ils devront regarder les transporteurs au même titre que les fournisseurs de médicaments notamment. "

À la demande de l'ARS, une réunion avec la direction générale de l'AP-HM et le collectif était même organisée hier en début d'après-midi. Un coup d'épée dans l'eau pour le collectif. Mise en cause, la direction de l'AP-HM a tenu à mettre les choses au clair : "L'AP-HM a, depuis 2017, un marché des transports sanitaires qui fait suite à un appel d'offres largement publié et diffusé. D'ici novembre, nous allons recommencer pour répondre aux mieux à l'application de l'article 80. Dans l'attente, nous avons signé un avenant au marché initial afin de se donner un temps nécessaire pour relancer le nouvel appel d'offres incluant tous les besoins de l'article 80."

Les discussions ne semblent pas rompues pour autant puisqu'une rencontre doit se tenir demain entre les trois parties (collectif Ambulanciers, ARS et AP-HM). En attendant, hier en fin d'après-midi, les ambulanciers tenaient toujours le siège devant la Préfecture où ils ont été reçus. Hier soir, les ambulanciers maintenaient le statu quo. Affaire à suivre.

Florence COTTIN

 

L'AP-HM en état d'alerte

Dès la connaissance du mouvement, l'AP-HM avait activé une cellule de crise pour prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir une bonne prise en charge des patients et une bonne organisation des établissements : anticipation ou adaptation des horaires de livraisons; attention particulière aux patients qui ne pourraient pas être transférés suite à une consultation, une séance ou une hospitalisation de jour; renfort des équipes de la plateforme logistique et de la régulation des transports. Hier, la direction assurait qu'aucun problème majeur n'était venu perturber le fonctionnement des hôpitaux.

 

LE CONSEIL DE TERRITOIRE REPORTÉ

La réunion n'a finalement pas eu lieu. La séance publique du Conseil de territoire Marseille-Provence qui devait se tenir hier, à 9 h 30 au Pharo, a été purement et simplement annulée. Un peu après 10h00, le quorum n'ayant toujours pas été atteint -des élus ont été bloqués dans les embouteillages- le président (LR) du Conseil de territoire Jean Montagnac a finalement décidé de reporter la séance. La prochaine assemblée devrait normalement se dérouler le 13 novembre à 14 h.

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