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Le coronavirus pourrait soulever une vague de restructurations chez les ambulanciers

Les transferts de malades du coronavirus sont loin de compenser les effets de l'arrêt des soins non urgents qui frappe les entreprises de transport sanitaire. La pandémie pourrait accélérer la restructuration, entamée il y a quelques années, d'un secteur encore très atomisé.

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Les ambulances participent activement au transport des malades du Covid-19, mais cela ne compense pas le coup de frein sur les autres soins médicaux. (Carius)

Publié le 13 avr. 2020 à 12h05

Elles sont partout. Dans les rues, dans les cours des hôpitaux, au plus près des avions, des TGV, des hélicoptères et des navires de guerre qui sont mobilisés pour transférer des malades du coronavirus, afin d'en répartir la charge entre les établissements hospitaliers qui maillent le territoire. « Elles », ce sont les ambulances, une activité en profonde mutation que la pandémie pourrait bien accélérer.

 

C'est que le secteur est encore atomisé. On recense plus de 5.000 entreprises effectuant des prestations de transport sanitaire sur le marché français. Le vieillissement de la population, les fermetures d'hôpitaux, la spécialisation des établissements et le développement de l'hospitalisation à domicile entretiennent une croissance annuelle de l'ordre de 3 % de ce marché, évalué à quelque 5 milliards d'euros par la Cour des comptes. Ce qui fait ressortir le chiffre d'affaires moyen des entreprises du secteur à 1 million d'euros.

Concurrence des taxis

Une partie de ces transports est en fait assurée par des taxis conventionnés par l'assurance-maladie. « En milieu rural, cela peut représenter jusqu'à 90 % de leur chiffre d'affaires », reconnaît un patron du secteur où il ne fait pas toujours bon de dénoncer cette concurrence. Moins chers que les véhicules médicalisés, ils n'ont pas les mêmes obligations de formation et de disponibilité que les entreprises spécialisées. Reste qu'il est fréquent que ces dernières associent taxis conventionnés, VSL (véhicule sanitaire léger) et ambulances. « C'est un moyen de se développer, car le nombre de VSL et d'ambulances est contingenté », défend le même professionnel.

En effet, les pouvoirs publics cherchent depuis des années à limiter la progression des dépenses de transports, dont les tarifs n'ont pas vraiment évolué depuis 2013, selon la Chambre nationale des services d'ambulances (CNSA). Limiter le nombre de véhicules sanitaires doit, en principe, pousser les entreprises à rationaliser leurs trajets et réduire leurs coûts.

Pour aller plus loin, le législateur a instauré, avec l'article 80 de la loi de Finances 2017, le paiement et l'organisation par les hôpitaux des transports qu'ils commandent pour déplacer les patients entre divers établissements. L'initiative cristallise toujours la rancoeur des entreprises, et notamment de la CNSA, contre les pouvoirs publics. « L'article 80 a bousculé les équilibres territoriaux entre les prestataires, dans un contexte où les réformes sociales se sont traduites par un décompte des temps de travail très pénalisant pour les employeurs », décrypte Julien Augerat, président du réseau d'ambulanciers Carius.

Des acteurs nationaux

Les entreprises n'ont évidemment pas toutes attendu ces tours de vis des pouvoirs publics pour se structurer. Des groupes régionaux ont émergé au début des années 2000. Les deux géants français du transport public se sont ensuite intéressés à ces marchés. La filiale de la SNCF Keolis a fédéré en 2017 trois acteurs déjà importants et aux spécialités complémentaires qui opèrent désormais sous la marque Jussieu Secours.

Partie un an plus tôt, la filiale de la Caisse des Dépôts Transdev a monté un bouquet d'outils. Il permet à des entreprises, qui restent indépendantes, d'entrer dans son réseau Carius et de mutualiser les prestations et les expertises dont elles ont besoin. Derrière ces deux gros acteurs nationaux, il demeure une dizaine de groupes régionaux ainsi que plusieurs plateformes avec lesquelles taxis et indépendants peuvent accroître leur visibilité et mutualiser des tâches.

Reste que la pandémie n'a rien d'une aubaine pour les ambulanciers. Les transports de malades du coronavirus et des patients astreints à des traitements tels que dialyses et chimiothérapie leur permettent tout juste de maintenir un minimum d'activité. Le report des soins non urgents ou programmés et les mesures de confinement les privent de 70 % de leur chiffre d'affaires dans le meilleur des cas. Avec un résultat net de 0,4 % en moyenne nationale, ils n'en sortiront pas tous indemnes.

Dominique Malécot