Plateformes numériques : l'OTRE dénonce "l'ubérisation du transport routier

Plateformes numériques : l'OTRE dénonce "l'ubérisation du transport routier"
Le syndicat routier OTRE dénonce le modèle des plateformes d'intermédiation. Via l'exploitation des données confidentielles, il redoute une dérive qui menacerait le pavillon français "sous couvert d'écologie et de trajets retours".

Les plateformes internet de mise en relation entre fournisseurs de transport routier et clients fleurissent et semblent remporter un certain succès.
Les Convargo, Chronotruck et autres Fretlink proposent un service gratuit pour le transporteur et lui promettent davantage de revenus et une amélioration de sa trésorerie. Les trois avancent les arguments de l'écologie, de la problématique des voyages à vide et du prix du transport et revendiquent chacun un portefeuille de 1.400 à 1.600 transporteurs.
Pourtant, l'OTRE (Organisation des transporteurs routiers européens) se méfie particulièrement de ces nouveaux acteurs. À tel point que le syndicat professionnel a réalisé plusieurs communications cette année pour dissuader ses adhérents de travailler avec ces sociétés.
Car derrière les promesses de rentabilisation des trajets retour et de paiement à 30 jours, la fédération des PME et TPE du transport routier voit la menace d'une "ubérisation" de son secteur. Elle craint un détournement des données sensibles des transporteurs et une dépossession de leur portefeuille de clients ainsi que de leur pouvoir de fixation de leurs prix.
Pour Jean-Marc Rivera, secrétaire général adjoint de l'OTRE, "les exploitants de plateformes ne se limitent pas à la mise en relation. En fixant les prix, ils exercent une véritable activité de commissionnaires de transports mais échappent aux obligations légales de ce métier". Maxime Legardez, fondateur de Convargo, affirme de son côté que sa société se mettra en conformité avec le droit le cas échéant, en devenant commissionnaire.
D'autre part, selon le responsable du syndicat, les prix pratiqués sont en réalité inférieurs à ceux fournis par le Comité national routier, contrairement à ce qui est dit.

Article du site de l'OTRE: http://m.lantenne.com/Plateformes-numeriques-l-OTRE-denonce-l-uberisation-du-transport-routier_a36136.html

 

Géolocalisation : la clé de voûte

Mais ce qu'il craint par-dessus tout, c'est le partage d'informations sensibles et ses dérives possibles : "L'offre au transporteur est gratuite, pour se rémunérer, la plateforme doit trouver des chargeurs : c'est là où on commence à s'inquiéter. Tout le système repose sur la géolocalisation. Ces données aujourd'hui confidentielles seront demain partagées totalement et exploitables par un tiers au détriment de ceux qui les donnent".

"Ces données seront demain exploitables par un tiers au détriment de ceux qui les donnent"

D'après Jean-Marc Rivera, un simple croisement de ces données permettra aisément d'identifier les clients des transporteurs, y compris ceux qui ne sont pas sur la plateforme. Pour lui dans cette optique, les soutiens financiers et techniques de poids dont bénéficient ces plateformes – spécialistes de l'internet, de l'e-commerce et du big data – ne sont pas anodins. Ce sont Xavier Niel, PDG de Free, Jacque-Antois Granjon, PDG de Vente-Privée, et Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur de Price Minister, dans le cas de Convargo. "Que se passerait-il s'ils mettaient une enveloppe importante pour capter les clients ?", s'interroge le secrétaire général adjoint de l'OTRE.

Craintes de dépendance

Jean-Marc Rivera redoute un phénomène semblable à celui observé dans le tourisme où les plateformes de réservation en ligne (Booking, Expedia, Voyages-SNCF, Trivago, etc.) ont coupé les hôtels de leurs clients et récupéré une partie de leurs marges. Il va jusqu'à parler de possible disparition du pavillon routier français.
Face à des acteurs "dont la seule préoccupation serait alors de faire du transport au prix le plus bas", les transporteurs seraient, "à l’instar des conducteurs de VTC, sous la dépendance de la plateforme décidant d’une manière unilatérale".
Le secrétaire général de l'OTRE déplore la montée en puissance de ces acteurs alors que la question du dumping social en Europe n'est pas solutionnée : "Les sociétés capables de travailler à bas prix on les connaît, ce sont celles d'Europe de l'Est", conclut Jean-Marc Rivera.